Les châtaignes

Parce que la nuit, parce que cette nuit, tire à boulets d’étoiles dans l’espace qui nous sépare ...

 

Je t'emmène dans un petit village du sud de la  France, un petit village de  l’Aveyron.
Oh, il ne fait pas la une des guides touristiques, mais ce petit village a une âme aussi dense qu’une châtaigne.
Entouré de ses pics verts, il ne laisse voir son cœur qu’à l’étranger qui veut bien se donner la peine de faire le détour.

En bas, tout en bas, il y a une rivière ; une rivière qui chante parfois avec une voix rieuse et cristalline sous le regard bleu du ciel, et, parfois, brailleuse, furieuse quand le ciel se fait trop lourd à porter.
C’est le Dourdou qui coule d’Est en Ouest.

De cette rivière, un sentier t’appelle à monter dans le village !
Tu grimpes, tu grimpes et tu arrives au village de pierres ; le village est beau, bon et authentique.
Mais le sentier continue ; il va, comme ça, à travers les « parédous » ;
Les paredous, ce sont ces petits lopins de terre où la pioche, maîtresse de ces lieux, n’a de cesse d’écarter les pierres pour laisser affleurer la terre.

​Continue de monter !
Tu montes, tu montes, pour enfin arriver sur le plateau ;
Et là tu trouves une petite maison.
Oh, c’est une petite maison pas luxueuse, mais plutôt oublieuse des tracas de la vie moderne ... Petite porte ... et petites fenêtres

Je t’invite à entrer.
Tu es accueilli(e) tout d’abord par la comtoise fière comme une cheffe d’orchestre à la baguette passionnée.
Un couple,un peu tassé, un peu courbé par les années de labeurs, t'attend !
Lui, lorsqu'il te voit, assis au bout de la grande table en chêne, il ouvre le profond tiroir de la table ; et du fond du tiroir, il sort une assiette de roquefort et une grosse miche de pain ;
Elle, elle s’affaire autour de la cuisinière à bois ; elle te prépare un café ; et ce café, elle te le sert dans une tasse blanche aux motifs bleus.

Tous deux, Ils t’écoutent parler de ton monde,
Et si tu réussis à conquérir leur cœur,
Avant que tu ne partes,
Il se passera une scène que tu n’oublieras jamais ;
Elle, elle se dirigera vers l’armoire,
Elle attrapera une boite de six œufs, six œufs à la bonne taille !
La bonne taille des œufs, pour elle, c’est quand tu ne peux pas fermer la boite ;
Elle te dira en te regardant dans les yeux : « fais attention, je t’ai mis un caoutchouc autour »
Puis elle  prendra un pot de gelée de groseilles, et elle le donnera à son homme ;
et lui, à la lumière de la fenêtre, il regardera le pot de gelée de groseilles  et il  te dira « elle est pure », et il tendra son bras pour te donner son précieux joyaux rouge.

Ils te regarderont partir, car ces gens-là savent que rien ne dure !
Toi, tu partiras avec, dans une main, les six œufs, et, dans l’autre main, le pot de gelée de groseilles.
Et parce que tu n’as que deux mains, tu ouvriras la porte en la tirant avec le pied.
Ils souriront, car le seul bonheur de ce vieux couple, c’est de voir partir les gens qu’ils aiment, en tirant la porte avec le pied.

Puis, une fois dehors, tu verras tous les châtaigniers.
Ce sera l’automne !    
Notre cœur est toujours à l’automne de quelque chose ;
Les châtaignes entourées de leurs pics verts seront tombées ; en tombant, elles se seront ouvertes pour t’offrir leurs cœurs scintillants ; tu sais, les châtaignes, elles ne se laissent ramasser que par les personnes qui veulent bien se baisser.
Tu seras invité à remplir tes poches de châtaignes.

Qui sait cet hiver,
Quand la nuit arrivera un peu trop vite,
Peut-être seras-tu heureux(se) d’avoir dans ta tête, les images d'une boite de six œufs, d’un pot de gelée de groseilles et des châtaignes.

 

Parce que cette nuit tire à boulets d’étoiles dans l’espace qui nous sépare !

Marie